En ce mois de février, le Conseil d’Ixelles examine le budget communal 2015. Rien de bien original. La seule nouveauté, qui nous sort un peu de notre torpeur, c’est une ébauche de budget « sensible au genre ». C’est à dire une lecture transversale du budget basée sur l’égalité entre les femmes et les hommes. Car il serait naïf de penser que les stratégies de finances publiques sont toujours neutres en la matière.


Il serait ridicule et inélégant de tirer la couverture à nous, mais nous ne pouvons que nous réjouir qu’une vieille revendication égalitaire d’ECOLO ait enfin été mise en application par la majorité ixelloise. Depuis toujours, en effet, aux affaires comme dans l’opposition, dans toutes les matières de la vie locale (de la culture au CPAS, de la mobilité à la santé publique), le groupe Ecolo Ixelles se préoccupe de l’égalité entre les femmes et les hommes. Dans son programme électoral 2012, ECOLO Ixelles proposait d' »analyser les décisions budgétaires et l’ensemble des politiques selon leur impact sur les femmes ».
La Conseillère verte Ana Rodriguez précise qu’« à travers diverses interpellations, notamment en 2007, nous avons proposé d’élaborer une véritable stratégie en la matière. Dès lors, nous nous réjouissons qu’après quelques années la Commune ait fait un pas vers un budget « genre ». Se basant d’ailleurs sur ce qui a été fait à la CoCoF à l’initiative de M. Doulkéridis. Mme L’Echevine des Finances a eu l’honnêteté de le reconnaitre en commission et nous l’en remercions ».

Juste un acte symbolique ou un outil utile ?
Ce budget n’a d’intérêt qu’à condition, toutefois d’être complet, participatif, de constituer un outil au sein d’une véritable stratégie globale d’égalité (et pas une fin en soi) et, surtout, d’en tirer les conclusions. A défaut, il restera un exercice de style pour se donner bonne conscience…

Est-il complet ?
C’est loin d’être le cas malheureusement puisque qu’il a été réalisé sur base volontariste (les différents services de l’administration pouvaient s’y atteler ou non). Dès lors, seules certaines matières ont été examinées comme « ayant un impact de genre » (petite enfance) ou identifiées « à genrer » (c’est-à-dire qu’il faudra encore évaluer leur impact en terme de genre), par exemple les subsides aux associations et une série de frais de fonctionnement.
Par ailleurs, au budget sont annexées des notes plus politiques, intitulées « commentaires de genre », et qui concernent certaines compétences, à savoir la propreté publique, la culture, l’instruction publique et les sports. Si on ajoute ça au fait que les seules lignes budgétaires considérées comme « spécifiquement genrées » sont celles de la petite enfance, ça veut dire qu’en fait, seuls les élus libéraux se sont réellement investis dans le travail. Rien n’apparaît dans les compétences des socialistes (travaux publics, mobilité, logement, jeunesse, et même égalité des chances !). Dommage…

Pas si neutre
Certaines dépenses ont été considérées comme « neutres » sur le genre. Si on peut être d’accord avec cette catégorisation pour une série d’articles budgétaires, d’autres sont plus surprenants, comme toutes les dépenses de transfert en matière de travaux publics, par exemple (or on sait que l’aménagement des espaces publics n’est pas neutre en matière d’égalité entre les femmes et les hommes).
La question de la politique du personnel a-t-elle été examinée ? Car avec un personnel communal constitué de 60 femmes pour 40 hommes, les diminutions de personnel annoncées auront un impact immédiat sur l’emploi féminin.

Un budget se nourrit de statistiques et d’indicateurs
Un budget genre implique aussi que les différents services de la Commune produisent des statistiques genres.
Difficile dans ces conditions d’élaborer des indicateurs clairs, pertinents et de faire des évaluations.

Est-il participatif ?
Un élément essentiel pour un budget genre est l’implication du milieu associatif et les citoyens/es dans la planification et l’évaluation. Rien n’est prévu en la matière.

Fait-il partie d’une stratégie globale ?
Derrière un budget genre il doit y avoir une vision et un projet d’égalité entre les hommes et les femmes dans les différents domaines de la commune et cela nous ne le percevons pas. En outre, travailler sur avec un budget sensible au genre implique une formation des élus et fonctionnaires sur l’égalité hommes/femmes, sur les techniques de création des statistiques ad hoc et la construction d’un tel budget.

Un bon premier pas, donc, mais à améliorer fortement à l’occasion du budget 2016.

Nous espérons à ce titre que la peut-être future Bourgmestre d’Ixelles qui devrait prendre les rênes de la Commune en janvier 2016 ne se fera pas appeler « Madame LE Bourgmestre ».